Extrait du livre de Yves ROUQUETTE
"VIC, LE MEJEAN, L'OR - Etangs de Montpellier"
Edition Actes Sud / Dexia Editions

" .... Il y avait en Prades un passionné des plantes et des animaux, s'inquiétant des équilibres naturels.

Il m'expliqua la fragilité des étangs, des cordons littoraux que la mer a faits et qu'elle défait, le Rhône qui ne charrie plus autant de sable et de galets que jadis, depuis que, endigué, il ne rabote plus les Alpes avec la même efficacité... Prades redoutait la montée de la mer : "Qu'elle monte de 30 centimètres et il n'y aura plus d'étangs. Elle reviendra battre le continent d'avant lagune..."

Il disait quel besoin de tempêtes ont les étangs. Elles ouvrent les graus, amènent une eau qui assure la salinité du milieu, en renouvelle l'oxygénation, y maintient la vie qu'on connaît. Si trop de sel empêche toute végétation, c'est en fonction de la salinité des sols que prospèrent les espèces rares de plantes qui sont le propre des étangs. Je savais bon nombre de mots qui les désignent. Prades m'apprit à les reconnaître.

Dans ces "amères prairies de la campagne maritime" dont parle Mistral et qu'il nomme sansouiro, il me montra la salicorne aux tiges en pattes de crabe, la salicorne glauque des secteurs immergés et, sur le sec, les salicornes en buisson qui abritent la saladelle. Il connaissait aussi les passereaux qu'avec un peu de chance on peut apercevoir sur le circuit mis en place par le Conservatoire du littoral : alouettes, hirondelles, troglodytes, fauvettes, roitelets, mésanges, que sais-je ?

Dans ce que je mettais sous le même nom de roseau, j'eus vite fait de distinguer les massettes des scirpes qui éliminent l'azote et où se plaisent les oiseaux d'eau : flamants roses qui boudent le sec, canards de toutes sortes, cormorans les ailes au cul, formidables plongeurs, et tous les échassiers. Il parlait de limicoles, il traduisait : les oiseaux qui vont se nourrir dans la vase, mais ce jour-là nous ne vîmes ni chevalier-gambette, ni avocette au bec retroussé, ni échasse aux pattes rouges...

L'homme qui aujourd'hui connaît tout ça par cœur, c'est Gérard Zapata, le garde du Conservatoire du littoral attaché à la Maison de la nature de l'étang du Méjan. Il est né dans le coin. Depuis 1993, la Maison de la nature l'emploie. Il veille au niveau des eaux, au respect des espèces, au bien-être des manades de taureaux et de chevaux, à la santé des roselières, aux barrages antisels, à l'information des marcheurs.

Sur le lido, le tourisme de plage a tout colonisé. Il est facile de l'oublier sur les sentiers de découverte. Dans la plaine alluviale, il y a des mas, des chevaux qui pâturent. On appelait cette zone le Malpas (le mauvais endroit). C'est devenu un parc public qui garde sauvagerie et naturel. Montpellier s'y promène beaucoup ..."

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